Le Livre d'Orgue de Montréal
Concert spécial le 13 novembre 2016
 
Le Livre d’orgue de Montréal
 
Découvert fortuitement en 1978 par la musicologue Elisabeth Gallat-Morin, le Livre d’orgue de Montréal a suscité depuis lors une abondante et passionnante littérature d’hypothèses historiques et d’analyses musicales, due essentiellement à la plume de la musicologue elle-même.
Tel n’est pas l’objet de cette brève présentation et nous y renvoyons le lecteur.
 
Cet extraordinaire manuscrit, portant le nom de Jean Girard, constitue sans doute la plus importante collection de pièces d’orgue classiques de style français de toute l’histoire de la musicologie. Il se présente en un fort volume d’une quarantaine de cahiers reliés, intitulé sobrement « Pièces d’orgue », et contenant 398 pièces sur 540 pages. Plusieurs mains de copistes ont contribué à cette collection de pièces jusqu’alors inconnues, dont peut-être celle de Nicolas Lebègue, organiste du Roi. Cependant, seules, seize de ces pièces ont été identifiées comme étant de ce compositeur.
Le Livre d’orgue de Montréal comprend, dans les divers tons d’église en usage au 17e siècle, 6 messes, 11 Magnificat, 9 suites (pouvant servir au Magnificat ou d’autres circonstances), 3 séries de pièces pour le Te Deum, 16 pièces avec le chant orné sur « la taille », c'est-à-dire dans le registre du ténor, à la main gauche de l’organiste, 6 « dialogues de récits », selon une coutume tendant à se répandre alors dans l’usage liturgique, une série de 13 fugues, quelques pièces isolées, pouvant servir à l’offertoire ou à l’élévation. Il s’agit donc d’un ouvrage purement pratique, à l’usage de la liturgie paroissiale.
 
Arrivé en Nouvelle-France en 1724, Jean Girard, clerc tonsuré de Saint-Sulpice, apporta à Montréal le manuscrit avec deux autres ouvrages de musique signés de Nivers, organiste de Saint-Sulpice à Paris.
D’origine modeste, il avait reçu, dès l’enfance, une formation musicale complète à la maîtrise de Bourges (dont l’usage du serpent, instrument d’accompagnement du chant), avant de monter à Paris où on le retrouve « maître de chant » au séminaire Saint-Sulpice, fonction dans laquelle il semble s’être préparé à ses futures activités d’organiste de Notre-Dame de Montréal et de maître d’école, fonctions qu’il exerça quarante ans durant, de 1724 à sa mort en 1765.
 
A Notre-Dame de Montréal, il disposait d’un instrument très modeste d’un seul clavier à jeux coupés, ce qui lui laissait cependant la possibilité d’opposer les timbres en basse et dessus. Le manuscrit de Montréal porte maintes traces des adaptations nécessaires (réécriture, transpositions, variantes) à la réduction de pièces d’orgue qui demandait, dans l’idéal, l’usage de trois ou quatre claviers.
 
Pour le présent programme, le choix d’Hélène Dugal se veut représentatif des grandes formes musicales illustrées dans le manuscrit de Montréal : Magnificat, Messe, Hymne (Pange lingua), Te Deum, encadrés par trois pièces isolées, deux « récits en taille » et un Offertoire, pièce inédite en plusieurs mouvements de Lebègue.
 
Nous avons généralement respecté au plus près les registrations suggérées dans les titres des pièces, surtout lorsqu’elles sortaient des usages courants (par exemple, polyphonie sur la grosse tierce avec tremblant, dans le Judex crederis du Te Deum). Cependant, l’omniprésence des plein-jeux dans le manuscrit nous a conduit à opter, ici ou là, pour un grand « fond d’orgue » propre à reposer l’oreille de l’auditeur. De même, la présence dans l’instrument vendéen de deux jeux de tierces (dont un en 16 pieds), de deux cornets et d’une considérable palette de jeux d’anche, nous a invité à varier au maximum les timbres des divers dialogues et récits.
 
Avec Jean-Yves Hameline, notre choix pour l’alternance en plain-chant s’est délibérément porté sur l’univers musical en vigueur au « propre de Saint-Sulpice » à la jointure des 17 et 18e siècles: Nivers et Dumont pour l’essentiel, que Jean Girard avait vraisemblablement pratiqué au séminaire Saint-Sulpice. C’est ainsi que l’on entendra ici un ensemble de pièces inédites au disque , notamment de larges extraits d’une Messe Royale du 4e ton d’ Henry Dumont. Par ailleurs, nous avons substitué au traditionnel texte du Pange lingua deux strophes (sur le même thème) de l’hymne « Adoremus triumphantem », extrait du même Office que l’antienne du Magnificat (Nivers) qui ouvre le disque, et conservé à la Bibliothèque Laval de Québec.
 
Ce l’aveu même d’Elisabeth Gallat-Morin, le Livre d’orgue de Montréal garde une part de mystère…
Mais, au-delà des énigmes musicologiques, puisse cet enregistrement, par l’éclat et la variété des timbres de l’orgue et la mise en perspective liturgique du plain-chant, faire revivre une saveur poétique particulière qui, un temps, a pu être un pont jeté entre le vieux continent et la « Belle Province ».
 
Jean-Michel Dieuaide
Juillet 2016

 

Helene Dugal, organiste

 
Hélène Dugal est titulaire du grand orgue Casavant de la basilique-cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal (Canada) depuis 1975. Elle a reçu l’essentiel de sa formation musicale au Conservatoire de musique du Québec et lors de stages d’études en France, en Suisse, en Italie et aux Pays-Bas. Elle a été lauréate de plusieurs concours internationaux d’orgue : Vancouver 1969, Bruges 1970, Genève 1970, St-Albans 1971, Bologne 1973 et Innsbruck 1977.
 
Hélène Dugal poursuit depuis sa jeunesse une carrière de concertiste qui l’a amenée dans plusieurs provinces canadiennes et pays européens. Dès sa nomination à la basilique-cathédrale de Montréal, elle s’est employée à y instaurer des projets culturels et plus tard liturgiques. De 1975 à 1981, elle a organisé plus d’une centaine de récitals d’orgue. En 1987, elle a introduit la célébration solennelle des vêpres dans le cadre de Orgues, Paroles et Vêpres, une série de récitals d’orgue commentés durant l’Avent et le Temps pascal. En 1991, elle a publié son premier CD Cathédrales où elle interprète des oeuvres de Vierne, de Franck et de Boëllmann. En 1996, au terme d’une importante restauration du grand orgue de la basilique, réalisée par la maison québécoise Guilbault-Thérien, elle a inauguré son nouvel instrument et y a assuré jusqu’en 2003 la tenue d’une série annuelle de 9 récitals d’orgue suivis de vêpres solennelles, Les Vespérales.
 
Depuis 1989, Hélène Dugal est aussi responsable de la musique à l’Office national de liturgie, un organisme de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
 
En 1990, Hélène Dugal a en outre fondé LAUDEM, l’Association des musiciens liturgiques du Canada et en a assuré la présidence pendant 20 ans. LAUDEM favorise la réflexion sur la pratique de la musique dans la liturgie (revue Laudem), l'interprétation de chants liturgiques de qualité (Schola Laudem) et la création d’oeuvres musicales pour la liturgie (Éditions Laudem) dont Hélène Dugal assume la direction artistique depuis 2010.

 

Hélène Dugal, pendant l'enregistrement
 
ENSEMBLE GILLES BINCHOIS
 
Après 30 ans, L’ensemble Gilles Binchois garde le même enthousiasme pour défendre les répertoires des 15ème et 16ème siècles et le chant d'Eglise de la chrétienté médiévale, répertoires qui constituent toujours la base de son activité.
A partir de cette vaste expérience, il s'est ouvert à d'autres répertoires qu'il aborde dans la continuité de l'esthétique qu'il s'est forgée :
 
• le plain-chant et les faux-bourdons baroques, souvent en alternance avec l'orgue,
• la musique du premier baroque français et italien (Gesualdo, Monteverdi, le siècle de Louis XIII…), qu'il interprète fort de sa large expérience de la polyphonie,
• les monodies médiévales qui lui permettent d'établir des ponts et de dialoguer avec d'autres cultures (Inde, Maroc, Iran, Espagne).

L’ensemble travaille en collaboration avec les musicologues : Wulf Arlt, Marie-Noël Colette, David Fallows, Jean-Yves Hameline, Susan Rankin. Il développe d’importants projets dans le cadre d’une résidence à l’Abbaye du Thoronet et en collaboration avec l’Association Bourguignonne Culturelle à Dijon.

L’Ensemble Gilles Binchois se produit régulièrement dans l’Europe entière, de l’Estonie à l’Espagne et de l’Ecosse à l’Ukraine ainsi qu'au Maroc, en Inde, en Malaisie, aux Etats-Unis … Dominique Vellard et l’Ensemble Gilles Binchois ont près de 40 disques à leur actif.

L’Ensemble Gilles Binchois est conventionné par le Ministère de la culture - Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bourgogne et reçoit, pour certains de ses projets, l'aide du Conseil Régional de Bourgogne et de la Ville de Dijon
14 éditions. Dernier : 09/11/2016 | 23:10:10
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